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"La Vierge Alchimique"
des jésuites:
L’état d'être face aux deux voies

«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies


Qui est-elle véritablement, cette figure que tant d'attributs classiques de l'iconographie chrétienne nous feraient prendre pour la Vierge Marie; sur ce tableau où tant d'éléments insolites, «iconoclastes», nous poussent à abandonner cette image trop conventionnelle?

Rappelle-t-elle, par ses deux bras étendus et par les objets qu'elle tient en ses mains, le geste identique d'Isis ou de telle ou telle «Vertu» identiquement hiératique? Toutes les iconographies, toutes les iconologies, nous exposent la pérennité ainsi, au-delà des noms relatifs que lui donnèrent les diverses civilisations, au-delà des attributs variés (les «figures allégoriques» de Ceçare Ripa, «les noms divins» de l'Islam) que lui attachèrent les hommes pour appréhender plus facilement ses qualités,... la pérennité de l'éternelle Sophia, la Mère Universelle.

«Déesse aux noms innombrables [I]», «sous quelque nom qu'il te plaise d'être adorée...[II]»

«Tous les noms te conviennent et aucun ne te désigne. Seul, dans la nature immense, tu n'as pas de nom. (...) Etre de tous les êtres, être au-dessus de tous les êtres»...[II bis]

Nous serions fortement tenté de le croire, son entourage nous y invitant. Ne réconcilie-t-elle pas, par les symboles en ses mains comme par sa position centrale dans le tableau, les deux «mondes», les deux tendances humaines, voire, à un niveau plus élevé de décryptage, les deux Voies alchimiques?

Intériorisée, mais yeux ouverts, au-dessus des amours humaines de ce monde passagé (ailé), au-dessus des forces telluriques non maîtrisées (dragon-vouivre-esprit du «mal»), au-dessus des nuages et du monde lunaire, au-dessus des chiffres et des dates (du monde des «adultes»[III]), elle fait le Point...

Solaire comme sa nimbe-mandorle, centre des étoiles terrestres, elle «est tout œil face à l'horizon»[IV]; elle «voit d'un œil égal»[V] l'Expansion et la Rétraction, la Voie du Monde et la Voie Religieuse, l'Extraversion et l'Introversion, «la vie active et contemplative ou vie mixte», comme disent les Jésuites[VI]. Elle se situe «ailleurs», mais, précisons-le, «dans ce monde», même si «plus de ce monde»[VII]. Entre «un oui et un non»[VIII]...

«L'Ange et la Bête ne possèdent qu'un seul monde. L'homme (parfait) possède les deux mondes»[IX]...

Observons ainsi tour à tour chaque d'eux:

I - LA SECTION DE GAUCHE DU TABLEAU

La section de gauche, celle dont la marge présente la Bête et l'Angelot, dans ce tableau tripartite, expose le symbole traditionnel du Navire sur les flots. Les Jésuites sont spécialistes en tableaux allégoriques. Ne le sont-ils pas de même manière dans leurs pièces de théâtre et leurs ballets? Que de Diane, d'Hercule, de Jupiter, de Flore, d'Apollon, de «divinités de l'Âge d'Or, de sylvains et de faunes», sans parler de «Erreur, Art, Fourberie, Calomnie, Vérité», comme protagonistes! [IX bis] Que de détails, d'explications précises qui prouvent le soin extrême qu'ils portent aux symboles mis ici en scène sur un Tableau!

Nous n'en noterons que quelques-uns en rapport avec cette Peinture:
«L'Amour doit paraître vêtu de couleur de rose, semé de cœurs enflammés, les yeux voilés, l'arc en main, la trousse sur le dos...(...) J'habillerai la Religion de couleur rouge semée de croix d'or (...), en main la palme»...

«Le but moral et pédagogique du théâtre des Jésuites»[IX bis] est également bien évident dans ce Tableau; mais soyons encore plus précis en rapportant ici quelques paroles de d'Alembert les citant:

«Les états civilisés sont ordinairement représentés sous la figure d'un vaisseau (...); la société des jésuites qui a ses raisons pour se comparer à un gouvernement au milieu des gouvernements, s'est approprié cet emblème. Le Vrai Libéral, dans un article sur les Jésuites, s'exprime ainsi: Il y avait dans une de leur maison, c'est à Clermont, je crois, un tableau allégorique dont j'ai la gravure. Il est intitulé Navis Jesuitica (La Nef Jésuitique). De la cale à la hune les fonctions y sont remplies par des Jésuites: les uns tendent les voiles, les autres rament, comme s'ils n'avaient fait autre chose, et leur général, assis au gouvernail, dirige vers le port du salut cette galère sur laquelle se laissent conduirent des rois, des moines, des bourgeois et quelques papes même, mais où l'on ne voit pas de femmes. Entassés dans des chaloupes, des gens de toutes professions poursuivent ce vaisseau et sollicitent la grâce d'y monter. Mais tandis que les matelots jettent à quelques-uns des cordes, ils en écartent d'autres à grands coups de cordes et avirons, à peu près comme fît Panurge avec les bergers de Dindenaut.» [X]

Une pièce de théâtre signale également dans sa mise en scène «des matelots de divers peuples (...) qui se menacent de leurs rames; (...) la Paix les met d'accord»[IX bis], p. 285...

C'est ainsi le symbole de toute société dans son aventure historique, de même que, microcosmiquement, le Voyage de l'être humain: Voyage signifiant Cheminement initiatique, avec tous ses obstacles et ses enseignements, auquel tant d'ouvrages nous ont habitué, des Voyages de Gulliver à celui de Cyrano de Bergerac et autres Voyage du Pèlerin, du Fou Divin ou de Saint Brandan...

C'est pourquoi les navigateurs exposent quelques-unes des fonctions sociales que l'on retrouvera plus tard dans le vitrail de l'Arche «cosmique» de l'église Saint Etienne-du-Mont [XI], après les avoir rencontrées dans les Danses Macabres du Moyen Age.

Roi, Sage-Philosophe, Guerrier conscient de sa mission sacrée (honorant Athéna), Pèlerin [XII], Mendiant-flagellant car «la mortification corporelle (...) a une puissance admirable pour rendre le ciel propice à nos vœux et pour amollir la dureté de notre cœur», disent les Jésuites [VI], p. 93...: tout le monde est dans la même «galère», puisque descendu dans le binaire (n'est-ce pas le nom symbolique de ce Vaisseau:?).

Répétons-le: nous sommes dans une partie seulement de la Réalité, dans un des deux panneaux du «décor» binaire de l'existence; remarquons, à partir de ce constat, que qui voudrait faire participer à (ou enseigner) la Vision unitaire, la possédant lui-même (œil unique du «cyclope»), qui voudrait leur jouer cette musique sur la flûte humaine à quatre trous, serait obligé de quitter l'embarcation, une allusion peut-être à l'Evangile notée par un Jésuite, op. cité [VI], p. 34: «Il vaut mieux pour vous que vous entriez dans la vie (...) n'ayant qu'un œil que d'être précipité dans le feu éternel (Math. 18. 9)»!

«Ne voyant plus sa Diane par des trous, par des fenêtres, mais toute muraille renversée, il est tout œil face à l'horizon»[IV]: Giordano Bruno, qui écrivit cela, en a bien fait le constat... et les frais! Et Hermann Hesse a pris ce personnage comme héros de son livre Knulp (le flûtiste errant).

Ce monde là n'est cependant pas abandonné à lui-même, pas dénigré par l'artiste, par le Jésuite et sa Doctrine! Dans la grande hune, le Vigile (Mercure) ne veut-il pas lui montrer que la gloire et la fin de la souffrance (le personnage n'a-t-il pas le cœur qui saigne?) sont ailleurs, dans le détachement, dans l'autre hune, loin de la monomanie? Les cieux, la corne d'abondance issue du centre du Tout toujours encadré par le Trinaire structurel, la tâche de Lumière dans le ciel gris, s'atteignent par la Voie de la Vision (autre), double, dans la conscience et la connaissance aussi de la hune vide (non explorée) de l'unique mât bifide, où coïncident les Opposés, certes, mais que les humains de la Nef dédoublent en deux voies, celle du réconfort, de l'aide de l'Esprit et de la Religion (Mercure) ou celle de l'Athéisme de la Vie profane (vide)...

«You'll get pie in the sky when you die...» [XIII] dira plus tard l'éternel et toujours identique Messager des Dieux, la plupart du temps incompris !

«Il faut mourir avant de mourir», «plus tu cherches Dieu, moins tu lui donnes la possibilité d'entrer» [XIV]... et autres conseils pour l'abandon du Cocon des certitudes et des habitudes.

Travail de Putréfaction alchimique et Purification du Mercure des Sages dans cet athanor traditionnellement crénelé! Perte des certitudes monomaniaques... Nécessité du voyage en pays «étranger», une importante caractéristique des Jésuites sur les plans physiques aussi bien qu'intellectuels, pour l'Evangélisation des «païens».

Nous sommes d'ailleurs dans un monde bien chrétien, Jésus tenant le gouvernail!... Mais l'enfant Jésus, pas le Jésus-Christ qui dirige le Navire sur le vitrail de l'église Saint Etienne-du-Mont; l'Enfant Jésus que l'on retrouve à côté de la Vierge dans un autre tableau jésuite, au même Musée, et que les détracteurs de la Compagnie, ne comprenant pas cette image, leur reprochent de déconsidérer. (Voir La Morale des Jésuites par un Docteur de Sorbonne, Nicolas Arnauld, Mons, 1711).

Ce symbole indique sans nul doute que l'exemple christique est dans «la vie cachée de Jésus-Christ (sans) désir présomptueux de briller dans le monde, (...) de se faire connaître»... «Abaissement, (...) anéantissement, (...) Dieu caché...».[VI], p. 252, 253.

Ce thème est nommé du «doctor parvularum» dans «l'iconographie du Clergé Français au XVIIème siècle»[XIV bis] où il rejoint celui de l'Enfant Jésus au Globe: le Timonier de ce tableau rassemble les deux images.

Revenons sur ces deux symboles que nous venons de noter: Jésus et Mercure; en effet ce sont deux protagonistes fort habituels à l'imagerie des Jésuites (iconographique ou théâtrale). B. van den Eerenbeemt nous l'explique: «Depuis le début de l'établissement régulier du christianisme dans les Pays-Bas aux alentours de 1050, la piété populaire a du montrer une certaine préférence pour l'Enfant Divin et en général pour son enfance. (...) Cette pieuse dévotion fut acceptée et presque immédiatement renouvelée et revitalisée par la Contre-Réforme. Elle fut répandue sur l'Europe occidentale surtout par les Jésuites». [XV bis], p. 111

Après ce «héros en miniature» (W.Weisbark), observons Mercure, le héros au caducée:

On le retrouve sans cesse dans les pièces de théâtre des Jésuites où il joue en alternance avec Jupiter, Apollon, l'Art ou Minerve, le rôle du Vainqueur [IX bis], p. 292, 293; ou bien, «envoyé par la Victoire, (il) fait espérer le prompt retour de la paix».idem p. 233.

Dans le tableau de Reims, sa présence dans la hune du bateau n'a-t-elle pas identiquement pour but d'apporter, comme dit une de leurs pièces de théâtre, «la joie universelle dans tous les peuples de l'Europe»; «Mercure assemble ceux qui sont désunis et les exhorte à la paix» idem, p. 233, 250: c'est bien ce que doit ressentir le personnage au cœur blessé!

Ailleurs, dans une chapelle de Gesù à Rome, ce sont des Angelots tout à fait semblables à ceux que nous évoquerons plus loin, qui remplacent Mercure pour montrer le chemin vers l'identique «Trinité» (ici, la corne d'abondance; là, l'Alpha et l'Oméga dans un triangle lumineux) à «adorer». [XV]

II - DANS LES MAINS DE LA VIERGE

La Voie du Monde, c'est la construction complexe symbolique dans la main droite de Notre-Dame-d'Alchimie-«Spéculative» qui nous l'expose systématiquement: mille yeux des plumes irisées de paon, roses épanouies, trinaire ou quaternaire du vase... d'expansion, signes zodiacaux. C'est bien le règne du déploiement, de l'extériorisation, excité par les Energies telluriques, le Feu du Dragon, les pulsions «animalesques» inconscientes: animation vitale de l'existence supervisée par l'Angelot de la conscience tempérante, des Forces Cosmiques.

L'iconographie classique des Jésuites serait-elle parodiée par ce Tableau ou simplement décalée pour passer de l'opératif exotérique au spéculatif ésotérique, du symbole religieux à l'archétype anagogique, initiatique? En effet, très souvent cette figure féminine, sur les tableaux de la Société des Jésuites, tient un Ciboire à la Croix et une Tiare papale (par exemple sur l'image 342 dans [XV bis]).

Allégorie opposée, la «Dame du Monde», au XVIIème siècle, présente «la coupe d'or de la séduction», la «coupe pleine de mensonges» et une chaîne... [XV bis], p. 42, 43

Ajoutons, pour étayer nos affirmations précédentes, que les Plumes de Paon (Orgueil, «Superba» chez Ripa), plusieurs fois utilisées dans cette iconographie spécifique, y symbolisent pour les Jésuites la «Présomption» p. 43, 41 dans [XV bis], que, dans le théâtre des Jésuites, des paons enchaînés tirent le chariot de la Victoire[XV], que «l'Envie doit porter un habit jaune semé d'yeux ouvert» [IX bis], p. 48 et que «les douze signes du zodiaque se disputent l'honneur de présider à la naissance de l'enfant royal qui fait l'attente des peuples» [IX bis], p. 286...

Le lecteur comprendra sans hésitation que cette construction symbolique dans la main droite de la Vierge lance le Message classique de cette Société des Jésuites mais en le hissant du religieux à l'initiatique.

Voyons maintenant ce qu'est devenue la Tiare: à l'opposé du Vase, avec l'Angelot seul en marge comme inspiration, un Temple bien fermé est exposé dans la main de la Mère Universelle; bien symétrique, bien «ordonné», ses contacts avec l'extérieur étant purement pour les nécessités vitales (treuil pour les vivres), ce Temple est dominé par un coq: orgueil, protection, tout autant que détachement des choses humaines, l'ambiguïté de tout symbole permettant des lectures apparemment opposées mais réconciliables dans le «contexte».

III - LA SECTION DE DROITE DU TABLEAU

Le panneau de droite du tableau représente ce monde de la méditation, de l'état religieux naturel, ce que l'on peut nommer les «anciennes voies», non institutionnalisées actuellement sur Terre, voire même les exercices subrogatoires du Soufisme; c'est le monde de l'introversion, qu'il soit païen, dans la conscience du Temps, de Saturne (voir sa faux à une des fenêtres), ou avec ses Chants sibyllins (iconographie classique des Jésuites: la Sibylle Helespontica voilée; voir [XV bis], p. 485..., qu'il soit «du livre» ou des paroles prophétiques, du Mysticisme (flambeau de la Vérité), ou de l'intelligence des choses, de la Gnose, (caducée de la Loi, anneau symbolique ou tablette sacrée, nombres – 9 sur un livre – du Pythagorisme) et quelqu'en soient les manifestations (couteau de sacrificateur ou aide au hasard ( ?))... et un plein panier (!)

d'autres possibilités! Sans oublier l'Ecoute intérieure – astrale, aquatique comme les Tritons qui la soufflent. Ces Tritons, nous en retrouvons une approximation dans une gravure jésuite du XVIIème siècle: armé d'un arc, un personnage couronné, assis sur un dauphin, attaque la Nef de l'Eglise; parfois ce sont des sirènes que l'on voit autour de leur «Société» [XV bis] p. 357, 358; mais nous en découvrons également l'image et le nom ailleurs: dans les pièces de théâtre des Jésuites p. 39 de [IX bis]. Mais il s'agirait peut-être, ce qui semble logique dans le contexte, des Rois-poissons d'Assyrie, Oannes (voir L. N. R. Stones crying out, Book Society, Londres 1845, p. 47).

Cette Voie d'intériorisation est fortement figée, évidemment, et apparemment soumise, comme l'attitude respectueuse des personnages l'indique, à la «Vierge»... Elle est facilitée par l'Amour (le peintre l'illustre très précisément), par l'énergie du Cœur flamboyant qui faisait intelligemment, auparavant, hésiter l'homme, par inspiration divine comme l'indique la flammèche sur la tête du personnage, entre la Terre et l'Autre (l'Ange aveugle) du monde lunaire. Notons que ce Cœur s'enflamme, contrairement à celui de l'Enfant Jésus qui rayonne.

IV - DES CHIFFRES POUR RESUME

Ce que l'on pourrait prendre pour des dates sur le tableau nous conduit à quelques commentaires; nous savons bien, pour l'avoir découvert plusieurs fois, que c'est un moyen traditionnel pour crypter un message parallèle [XVI] :

1266 est un nombre de Direction spirituelle du monde.

1137 est un nombre de Direction par pouvoir temporel du monde.

C'est ce que leurs places dans la section «mondaine» du tableau impliquent, deux personnages différents illustrant chaque séquence.

1            2            3
«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies3«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies6

L'Unité absolue, dédoublée sur la terre relative (binaire) donne, comme toute numérologie de base le révèle, le mouvement de tout sur terre: la Trinité (structurelle) est automatiquement doublée, lorsqu'elle se manifeste terrestrement, en 6... et le 6, lui-même est doublé dans les deux aspects de tout sur terre (son quaternaire): le douze des douze mois, des douze tribus, des douze disciples du Christ, des douze chevaliers de la Table ronde, etc... est 6 . 6, composé de quatre trinités.

La séquence 1 2 6 6 décompose et expose, en insistant sur la sacro-sainte trinité (Jésus à la barre oblige!) l'Itinéraire du Chrétien, son juste déploiement: Conscience de la Trinité en tout sur terre. C'est la Voie du Salut par justesse de pensée, par rappel de la doctrine.

(Notons également que 1266 présent 12 . 12, laissant entendre que le manifesté (6.6) est égal au non-manifesté qui le contient potentiellement (12))

La Royauté, par contre, le pouvoir temporel, qui est titré 1137, prend, lui, les choses au niveau terrestre et non à partir de ses constituants religieux, spirituels, structurels, symboliques.

1 . 1 : sur Terre deux possibilités: oui, non; blanc, noir; homme, femme, le roi et ses sujets... Mais la vision de cela établit le point 3.

1137 expose ainsi l'itinéraire possible du roi (certains n'y parviennent pas: la coupure est nette entre 11 et 37: un filin de gréement qui soutient ou aide à atteindre le Mât (religion humaine; voir à l'opposé, par la Langue des Oiseaux: agrément, avec a: privatif).

C'est la compréhension des deux facettes de l'existence amenant à la plénitude terrestre 7 (3 + 4 du quaternaire de la Terre): Royauté Sacrée.

Royauté? Pouvoir sur Terre...

Sacrée? Pouvoir juste et non égocentrique.

Justesse d'Action sur Terre par Vision juste des choses.

Le total de cette séquence est également douze... mais non déployée dans toutes ses possibilités, contrairement à 1266 (2x12 dont le graphisme est d'ailleurs plus espacé).

C'est Sophia, l'Unité androgyne, Isis, la Mère Universelle, qui réconcilie ces deux séquences de chiffres: le matériel étant soumis au spirituel, la deuxième séquence (1137) est, sous elle comme dans l'image du navire, au-dessous de la première (1266).

La réconciliation se fait par la Trinité, évidemment, comme nous invite à le percevoir la curieuse position des chiffres:

1     2     6     6

1   1    3    7

L'arithmosophie notera:

1         1         3
«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies2«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies

Ainsi évidemment que : 1 «La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies 3

Le passage entre Expansion religieuse et Expansion sociale se trouve là: soit l'être «monte» au 6, soit il demeure dans le quaternaire terrestre (+ 4 = 7).

Le Chrétien peut se déployer, le Roi étant plus limité: voir de nouveau l'espace pris ici par les chiffres de 1266...

V - LA VIERGE

Mais tout ceci est infra-terrestre, du point de vue de l'Absolu, c'est-à-dire de la Dame! Au plus bas du tableau!... Le Directoire des Jésuites adjurent: «Nous devons mesurer tout dans le seul intérêt de l'honneur de Dieu, (...) sans jamais se laisser aller à ce qui est terrestre».25.9, voir [VI] p. 251

Nous sommes dans le domaine «extérieur», exotérique... Les Jésuites diront de même: «L'acte d'adoration (...) aussi bien que celui d'oraison (...) est une véritable action extérieure de religion», alors que «la fin et le bon mouvement par lesquels on les doit faire, pour être bien faits ('les actions spirituelles et intérieures de la religion') sont des actes de volonté et de vertu intérieures sur lesquels ils prétendent que l'église n'a point de pouvoir ni de commandement» [XVII].

L'Etat véritable où elle se situe est au-dessus de ces manifestations relatives, au-delà de ce «décor» de «fond»...

Sa présence, son air, sa posture l'indiquent: «la chasse ne l'intéresse plus puisqu'(elle) perçoit directement»... Elle est «Vierge»[XVIII] de toutes notions... (Notons qu'aucune séquence de chiffres n'affecte le monde de l'introversion, détaché déjà des «calculs»; c'est bien la Voie naturelle, non égocentrique, non volontaire, la réceptivité à ce qui est; mais ce n'est pas l'Etat d'Etre percevant, englobant et ayant bien en mains ou sous les pieds la totalité des mondes humains: ce n'est pas la Vie de la Mère Universelle, ce sont encore des Voies humaines, la «Vie mixte»).

Elle (l'Etat véritable ou la Vierge Alchimique des Jésuites) est dans la Réconciliation des deux tendances, dans la plénitude bien maîtrisée de ses deux facettes humaines (recherches extérieures ou intérieures, c'est-à-dire attente du bon plaisir des Dieux, avec l'aide des philosophies, des religions et de toutes autres activités toujours de même ordre... ou inspiration, révélation, «divines», naturelles, innées mais sclérosées dans leur monde).

On le voit sur ce Tableau, contrairement à d'autres de symboliques parallèles composés par des Jésuites: plus d'attaques contre sa Nef, plus d'agressivité de la part des Voies anciennes des Religions; elle est la Réconciliatrice.

C'est la «Religion» véritable par laquelle les Jésuites voulaient «gouverner l'univers» («non par la force, mais par la religion; telle paraît avoir été la devise de cette société dès son origine» op. cité note 9, p. 98); c'est l'Inspiratrice, la Mère de leur «Société» [XIX].

C'est la Vierge dont Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie des Jésuites «se mit en tête d'être le Don Quichotte, (...), ayant eu la cervelle échauffée par des romans de chevalerie, et ensuite par des livres de dévotion» op. cité note 9, p. 90. Combien cette réflexion dédaigneuse est pour nous révélatrice: cette Vierge n'est pas la Vierge des chrétiens, mais la Dame inspiratrice des Fidèles d'Amour... D'ailleurs Ignace de Loyola «se décora du titre de chevalier (...) de la Vierge Marie»[X], p.30, et combien nous comprenons alors que le Comte de Monlosier parle de l'Institution du Saint Esclavage de la Mère de Dieu dans son Mémoire à consulter sur un Système religieux et politique tendant à renverser la Religion, la Société et le Trône. Paris, 1826, p. 23!

Elle peut envoyer ses navires sur toutes les mers: que de Tableaux le font savoir: le «Navire de l'Eglise» de Cornelis Galle, les Tapisseries d'Amsterdam, la peinture de Van der Borcht, etc... [XX]

Elle peut lancer ses enseignements dans toutes les têtes, couronnées ou non: Expansion, Vie active...

Elle peut comprendre et dominer toutes les religions et croyances (dépassées par elle) qu'elle synthétise: Rétraction, Vie contemplative...

Lisons, à l'appui de ce constat, quelques propositions ou directives des Jésuites: «Vous pouvez tout, et Dieu vous demande peu de chose»; «leur destination est d'être attentifs à tout ce qui se passe dans le monde»; «cet attachement à leur ordre, le plus fort peut-être qui ait jamais animé une société, est le caractère distinctif des jésuites» (d'après d'Alembert op. cité note 9 p. 143, 319, 324).

Sur le plan individuel, puisque «la dernière fin de l'homme (...) consiste dans l'union de notre âme avec Dieu à qui tout doit se rapporter comme à son premier principe et unique centre» op. cité note 6, p. 433; c'est l'Etat de Voyance, la Connaissance au-delà des connaissances (Sophia), la Conscience du Jeu des deux polarités terrestres, et comme le yang actif après le yin de la réceptivité, le Jeu lui-même, le maniement de tout, la Manifestation, la Lila, la Danse de Shiva...

Equilibre (=également libre); Détachement des choses humaines mais Détachement du détachement (les deux tendances «en mains»): «indifférence parfaite à leur égard» [VI] p. 45, mais, ici comme dans le théâtre des Jésuites, elle est présente et présente «le faux qui règne dans le monde et qui est le principe de presque tous les vices, afin de le détruire en le faisant connaître [IX bis], p. 316.

Liberté de «Jésus» en «Corps Glorieux », «l'Homme Parfait» du Soufisme, le «Libéré Vivant» du Bouddhisme[XXI].

Etat d'Etre (Etreté) au-delà de tous les états (d'âme, de conditions, etc...), au-delà du binaire de la Relativité (des Voies): la «perfection» des Jésuites [VI], p. 48...

N'est-ce pas, de plus, ce que le titre du tableau, en grec [XXII], implique ?

Emmanuel-Yves Monin


Notes:

[I] Plutarque, cité dans notre Diane à la Licorne p.77.

[II] Catulle XXXIV (idem).

[II bis] Grégoire de Nazianze: «Hymne à Dieu» cité p. 8 de A. Madrolle, Dieu devant le Siècle, Paris, Gaume 1841.

[III] Voir Le Petit Prince de Saint-Exupéry et notre Esotérisme du Petit Prince p. 146.

[IV] Giordano Bruno Les Fureurs Héroïques, Belles Lettre, 1954, p. 204.

[V] Bhâgavad Gîta.

[VI] R. P. Bellécius, les Exercices Spirituels de Saint Ignace, Poitiers 1845, p. 52 puis p. 93, 252, 253, 251.

[VII] Bible: Jn. 8. 23.

[VIII] Tao-Te King.

[IX] Nasafi, L'Homme Parfait, Fayard, 1984, p. 263.

[IX bis] Ernest Boysse, Le Théâtre des Jésuites, H. Vaton, Paris 1880, p. 39, 206, 146, 48, 49.

[X]D'Alembert, Des Jésuites, Paris 1821, p. 343, 344.

[XI] A Paris, place du Panthéon: Rois, Evêques, Prêtres, etc... Voir, depuis cet article, notre ajout à l'Ésotérisme du Petit Prince: L'Aventure initiatique. Dervy 2006.

[XII] Symboles ou portraits ( ?) des «François-Xavier, François de Sales, Lois de Grenade, l'évêque de Torres, le Cardinal Henri depuis Roi de Portugal» que la Compagnie amena à «la grâce d'une vie plus parfaite», des «trois classes d'hommes» d'Ignace de Loyola (R. P. Bellécius, op. cité, p. 9 et p. 301).

[XIII] Woody Guthrie, chanson du syndicalisme.

[XIV] Islam; Maître Eckhart (Sermons).

[XIV bis] Presses de l'Université de Laval, Québec, 1976.

[XV] Baroque Art, the Jesuit Contribution, edit. R. Wittkowe et I. B. Jaffe, Fordham University Press. New York, 1972.

[XV bis] John B. Knipping: Iconography of the Counter Reformation in the Netherlands, B. de Graaf, Nieuwkoop, 1974.

[XVI] Voir nos Diane à la Licorne, Messages Tapisseries et Hiéroglyphes Français au sujet de tels cryptogrammes, qu'une table dans le Musée qui expose ce tableau, utilise également.

[XVII] Nicolas Arnauld, La Morale des Jésuites par un Docteur de Sorbonne, Mons, 1711, p. 142, 595.

[XVIII] «Une vierge qui est femme, une âme libre qui n'est liée à aucun bon plaisir est aussi prêt de Dieu que de soi-même» (Maître Eckhart); voir au sujet de ce mot notre Diane à la Licorne p. 36, 43, 52 et «La Voie initiatique de la Dame à la Licorne» dans Rébis n° 11, p. 13.

[XIX] Il y aurait, dans la Collection de Notre-Dame, à Boulogne un tableau intitulé «Societas extincta» où «la Société supprimée est représentée sous les traits d'une femme, la figure voilée et la tête couverte d'un bonnet carré. A droite la réthorique et dans le haut, la personnification des cours; à gauche le droit canon, etc...» (B. Heüss graveur, 1773, in Essai sur l'iconographie de la Compagnie de Jésus par R. P. Alfred Namy, Paris, 1875).

[XX] Quelques exemples permettant de retrouver des symboles ou le même esprit de symbolisation que ceux qui sont à l'origine du Tableau étudié.

Dans la Nef de l'Eglise Militante:
«Le Pape comme timonier, Marie dans la hune», un Jésuite escalade une échelle de corde pour aider à hisser la grande voile, symbolisant l'ardeur des catholiques. (...) Des membres d'ordres mendiants sont assis sur les bancs. (...) Deux petits canons symbolisent la Prière et l'Entraide; le Mât est la Croix du Christ. Le navire est frappé de tous côtés: les quatre vents sont le Diable, le Monde, la Chair et les faux enseignements».

Dessin de Jacob Gualterus, Cologne 1616:
«Le Christ entre Pierre et Paul» (...) au gaillard d'avant, les Pères latins de l'Eglise, trois philosophes païens ou juifs et, sur un trône, l'Eglise, une image féminine avec ses attributs habituels».

La Nef de l'Eglise (anonyme. Musée diocésain de Haarlem, début du XVIIème siècle):
«Menaçant (cette Nef de l'Eglise), toutes sortes de nageurs, la plupart tenant un livre (...); deux personnages couronnés, l'un assis sur un dauphin et l'autre sur un monstre à sept têtes. Au mât de misaine, la Croix, le corps du Christ lui étant attaché. (...) L'autre mât porte au sommet la lumière rayonnante de la Vérité, alors qu'en bas, dans une riche construction, le Pape, des cardinaux et des évêques regardent les moines et les prêtres...».

Dans une gravure de Van der Gucht:
«La Nef de l'Eglise navigue dans des eaux pleines de séduisantes sirènes (...). Le Mât est la Croix. (...) Un vers explique: Christ est le Timonier, les Apôtres sont ses compagnons, les anges ses serviteurs...».

(extraits de Iconography of the Counter Reformation), op. cité 15 bis, p. 356, 357, 358: notre traduction.

[XXI] Voir notre De la Chevalerie à la Libération.

[XXII] André Deghaye a répertorié les différentes traductions dans ses Annexes typographiées, site à son ouvrage:
Le Nombre du Fils (Dervy, 2007):
Vierge étant j'ai enfanté: un enfant n'ayant pas de géniteurs (Traduction courante).
Vierge, ai-je enfanté /engendré. Je n'ai ni enfanté, ni de parents / ni d'engendré, noi d'engendreurs (H. Lehning).

C'est Antoine Faivre (directeur d'Etudes à l'E.P.H.E. Sorbonne de Paris) qui a attiré notre attention sur ce Tableau du 17e siècle (Reims), lors de ses Séminaires, en 1994.

 «La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies

«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies

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«La Vierge Alchimique» des jésuites : L’état d'être face aux deux voies

 

Article d'Emmanuel-Yves Monin, 1994.

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La Mère Universelle

La Mère Universelle 
Depuis l'origine des temps et dans tout l'univers, les humains ont toujours honoré
la Mère Universelle,
figure allégorique féminine, omniprésente dans toutes les civilisations sous de multiples noms et d'innombrables formes. Depuis l'époque des Vénus paléolithiques, des Déesses-Mères de l'Antiquité jusqu'aux représentations laïques modernes, au centre de toutes les religions, ces figures mettent en avant toujours les mêmes attributs, révélateurs des fonctions qu'elles occupent.....

http://lamereuniverselle.fr/